11/25/2020

Suisse2291 : Dialogue pour le futur

La directrice du SDG Lab Nadia Isler s’entretient avec le projet Suisse2291 qui relance le dialogue entre générations et fait le pont entre la Suisse fraichement créée en 1291 et ce qu’elle pourrait-être 1000 ans plus tard.
Suisse2291 : Dialogue pour le futur

La directrice du SDG Lab Nadia Isler s’entretient avec le projet Suisse2291 qui relance le dialogue entre générations et fait le pont entre la Suisse fraichement créée en 1291 et ce qu’elle pourrait-être 1000 ans plus tard. Des personnalités suisses partagent, à travers des livres, des courts métrages et des séries d’évènements, leurs idées sur la suisse à long terme. 

Le livre Suisse2291, avec 39 personnalités de Suisse Romande a été publié en Novembre 2020. Parmi les contributions, se trouvent celle de Mme Isler sur la Suisse et le développement durable. Il est disponible à l’achat. L’auteur du livre, Christian Häuselmann est un économiste et entrepreneur passionné par la transformation des idées en réalité. En 2012 il a créé SHIFT Switzerland dans le but d’accélérer la mise en place d’une économie circulaire en Suisse.

Le vernissage virtuel s’est tenu le 14 novembre sur l'avenir du voyage et de la mobilité d'un point de vue scientifique et philosophique, avec la présence notamment du Impact Hub Genève, organisateur du Climathon en ligne des 13 et 14 novembre. 

Dans son entretien, Mme Isler souligne l’importance des progrès techniques pour l’humain et pour la planète. Elle cite Bernardos en disant “On ne subit pas l’avenir, on le fait”. Le progrès et l’évolution ne se feront qu’à travers des collaborations multisectorielles pour l’élaboration des politiques. Ceci est d’ailleurs illustré par la crise de la COVID-19 qui montre que la crise sanitaire est aussi économique et sociale. Elle met aussi l’accent sur l’éducation et l’accès à un système de santé efficace. Les inégalités se creusent très tôt autour de ces deux thématiques.  Enfin les Objectifs de Développement Durable sont présentés comme cadre à un développement véritablement durable. La nature systémique de l’Agenda 2030 va dans le sens de l’interdisciplinarité pour la résilience.

L’entretien complet de Madame Isler est disponible ci-dessous:

« On ne subit pas l’avenir, on le fait »

L’entretien avec Nadia Isler*, Directrice du SDG Lab au Palais des Nations à Genève

La suisse en 2291 : qu’est-ce qui vous vient à l’esprit quand vous pensez à cette date ? 

2291 c’est dans très longtemps et c’est demain. La Suisse aura quelques années de plus et j’espère qu’elle aura su transformer le temps qui passe en sagesse et en nouvelles opportunités. Avant toute chose, je souhaite que son état d’esprit ne prenne aucune ride et qu’elle maintienne un esprit d’ouverture au monde. La Suisse de 2291 aura le courage de prendre des risques, de s’ouvrir vers l’extérieur et d’être loyale à son ADN d’engagement, d’innovation et de paix. 

L’année 2291 est loin de notre époque. Comment vivrons-nous alors ?

J’espère qu’on aura su préserver l’être humain au centre de toutes nos décisions. Comment nous vivrons dépendra de notre courage à penser à contre-courant, à défier les grandes tendances du moment qui parfois se perdent dans une quête effrénée du plus innovant, du plus rapide, du plus efficient. Les énormes progrès technologiques par exemple sont une opportunité incroyable pour changer la vie des gens, mais la ligne entre le mieux et le pire est souvent fine. Je me souviens d’une citation de Bernanos qui dit « On ne subit pas l’avenir, on le fait ». Je suis convaincue que la Suisse a les moyens de construire un avenir qui réponde aux besoins d’un monde en constante mutation, tout en préservant l’humain au centre. Mais pour ce faire, elle ne pourra pas évoluer en autarcie. Il faudra à mon avis, qu’elle mette une emphase particulière sur l’importance de la diversité des voix dans l’élaboration de nouvelles politiques et elle peut réellement jouer un rôle moteur dans le monde puisque la population suisse et son système politique reposent en grande partie sur la diversité des expertises et des opinions. 

À une échelle plus imaginable, quels sont les progrès dont vous avez été témoin dans votre vie, jusqu’à aujourd’hui ?

Évidemment le premier qui me vient à l’esprit est l’internet. Je n’ai pas grandi avec l’internet mais j’ai été témoin de la création de l’internet et tout ce qui s’en suit. J’ai vraiment vécu cette transition historique. A l’époque, quand on voyageait, nos parents se faisaient du souci parce qu’ils ne savaient pas où on était. Mais, on adorait cette liberté. Aujourd’hui, cette connexion permanente est une chance et en même temps c’est un gouffre. Après l’internet et les téléphones portables, j’ai été témoin de progrès considérables dans le secteur médical. La découverte de nouvelles technologies de diagnostiques et de nouveaux médicaments qui permettent aux gens de vivre plus longtemps. Les progrès technologiques en matière de transports aussi, qui sont beaucoup plus propres en termes énergétiques.

C’est vraiment un progrès flagrant. Mais aussi le retour aux modes de transports qu’on pensait obsolètes. De plus, nous voyons des progrès considérables dans le domaine énergétique sous forme d’énergies renouvelables. C’est quelque chose d’extraordinaire. Aux progrès de ce type s’ajoutent les progrès sociétaux. Les droits de la femme par exemple et la mise en œuvre de ces droits est un progrès considérable, même s’il y a encore d’énormes défis. Rappelons-nous quand même que le droit de vote pour la femme en Suisse date de 1971 au niveau fédéral et le dernier canton à avoir adopté le suffrage féminin date de 1990…On peut aussi penser aux efforts grandissants pour permettre aux personnes avec un handicap de poursuivre une carrière ou aux progrès dans l’intégration des enfants qui ont des difficultés dans un système scolaire « classique ». Ce sont des progrès remarquables qui doivent nous pousser à en faire encore plus pour réduire au maximum les discriminations existantes et éviter d’en créer des nouvelles. 

Quels progrès sont nécessaires ? 

Tout progrès qui permettra un accès plus équitable à une éducation de qualité et à un système de santé efficace et de confiance. Les inégalités sociétales à mon avis se jouent très tôt dans la vie et s’articulent très souvent autour de ces deux domaines-clés. Avec les années, ces inégalités augmentent de manière exponentielle et se déclinent dans toute une série d’autres domaines, tels que l’accès à un travail décent, le pouvoir économique et le pouvoir politique.

Il y a mille autres progrès qui sont important aussi bien sûr. Mais, si je pense au plus nécessaire ce sont vraiment ces progrès-là, car ils sont aussi intimement liés à une société moins sujette aux conflits car plus équitable. La crise globale engendrée par la pandémie du COVID 19 l’illustre d’ailleurs de manière dramatique. On ne peut pas nier que nous ne sommes pas tous égaux face à cette maladie et à ses multiples conséquences sociales, politiques et économiques.  

Vous travaillez pour les Nations Unies, une organisation qui suit de près les différents programmes de développement. Le programme de développement durable à l’horizon 2030 et ses 17 objectifs de développement durable est l’un des programmes de développement les plus ambitieux dans l’histoire. Pensez-vous que nous allons y arriver ? Ou pensez-vous que nous devrons prolonger l’horizon plus loin pour atteindre les ODD dans leur intégralité ?

Je pense qu’avoir un horizon clair et défini dans le temps est une bonne chose. Il faut un cadre temporel commun qui nous donne à toutes et tous le même objectif.  La question n’est pas tant de savoir si nous allons les atteindre en 2030 ou pas. La question est : qu’est-ce qu’on fait aujourd’hui pour les atteindre ? L’autre jour, une classe de jeunes élèves m’a dit « Mais pourquoi 2030, c’est beaucoup trop tard ! » et ils ont raison d’être impatients. La difficulté est que certaines actions peuvent être prises tout de suite alors que d’autres méritent qu’on y réfléchisse pour ne pas commettre d’erreur. Il n’y a pas un seul tempo. Le risque bien entendu est que le temps de réflexion se transforme en inertie et c’est à cela que nous devons veiller. La pression de la société civile est très utile dans ce sens. 

Malgré toutes nos différences, qu’est ce qui nous motive ? 

Simplement notre insatiable besoin de vivre et de vivre dans des conditions les plus humaines possibles. Cette notion est bien entendu très subjective et prend des formes très différentes selon les personnes et les contextes de vie. L’absurdité de certaines situations que nous vivons aujourd’hui peuvent nous faire douter que cette motivation est partagée par toutes et tous, mais je pense qu’une grande majorité de la population souhaite avant tout vivre en bonne santé et dans la paix. Et les ODD sont là pour nous guider dans cette quête commune.

Ces 17 objectifs sont vraiment la traduction d’une analyse commune de tous les vecteurs d’inégalités et des défis globaux. A fortiori, ils représentent aussi toutes les opportunités que nous avons pour transformer notre système pour trouver des solutions. Il s’agit d’un Agenda de développement mais c’est aussi le plus convaincant des agendas de paix car si on devait atteindre tous les objectifs durables aujourd’hui, il n’y aurait finalement aucune cause de conflit.

Objectifs
8
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Travail Décent et Croissance Économique
11
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Villes et Communautés Durables
17
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Partenariats pour la Réalisation des Objectifs
Resources
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